page d'accueil

oeuvres étudiées mon blog bibliographie rechercher sur le site liens livre d'or m'écrire

Une poésie

Le loup et l'agneau de Jean de la Fontaine

(joué en CM 2 en mars 2002, rejoué en CM 1-CM 2 en décembre 2 002)

Du plaisir, rien que du plaisir...

 

La poésie à l'école primaire n'est, trop souvent, que de la récitation. Les élèves recopient une poésie sur leur cahier, font le dessin qui l'illustrent et l'apprennent. Ils la disent devant toute la classe, en y mettant plus ou moins de coeur... Mais l'apprécient-ils vraiment, la ressentent-ils, la comprennent-ils ? Je me suis posée toutes ces questions et j'en suis arrivée à un triste constat : les élèves n'aiment pas la poésie, ils la récitent car ils y sont obligés, ils la comprennent rarement et n'aiment pas les poésies trop longues...

L'activité "poésie" ne devrait pas être réduite à l'activité "récitation".

Je ne remets absolument pas en cause l'apprentissage par coeur d'un texte poétique, je regrette simplement que cela soit fait dans des conditions qui dénaturent la fonction même de la poésie. Celle-ci doit avoir sa place dans l'étude de la littérature, au même titre que le roman, ou le conte.

Voici une séance menée avec des élèves de CM 2, une séance de plaisir, de rires, ou la compréhension se mêlait étroitement à la pratique théâtrale... Les élèves n'ont pas vu l'heure passer et quand je leur ai demandé d'apprendre cette poésie chez eux, ils n'ont pas soufflé ou soupiré ("comme c'est long et difficile !"...), ils ont compris qu'ils la savaient déjà.

 

Dans un premier temps je leur ai distribué la poésie sans tirets dans la partie en gras :

 

Le loup et l’agneau

 

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Un agneau se désaltérait
Dans le courant d’une onde pure.
Un loup survient, à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
«  Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire répond l’agneau que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant
Plus de vingt pas au-dessous d’elle :
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles reprit cette bête cruelle ;
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ?
Reprit l’agneau ; je tette encor ma mère.
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Je n’en ai point.   C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l’emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès. 

 

Jean de La Fontaine

 

A eux de rétablir la ponctuation en ajoutant les tirets et les virgules (qui vont avec). Après un temps de travail individuel, on corrige collectivement.
Pour cela, on lit à haute voix, (2 voix) pour vérifier que c'est bien l'agneau ou le loup qui parle, on explique pourquoi ce ne peut pas être l'autre personnage (si quelqu'un se trompe)...

Les enfants ont alors compris la fable dans son ensemble, mais il reste beaucoup de termes difficiles qui empêchent une compréhension fine du texte. Ils me demandent alors la signification de certains mots : châtié, tu médis, breuvage, hardi, témérité, à jeun... je leur explique ou certains élèves expliquent aux autres, mais c'est l'occasion de faire une séance de vocabulaire (en plein contexte), en cherchant les mots de la même famille, en expliquant la valeur de certains préfixes, en donnant d'autres exemples...
On note la signification des mots dans un cahier.
Un petit dessin au tableau leur a permis de comprendre que l'agneau ne pouvait pas troubler (dans le sens de rendre trouble) le breuvage du loup :

loup.gif (3019 octets)

Petit moment de récréation : la diction du texte, à trois voix (loup, agneau, narrateur)... moment intense qui renforce la compréhension du poème. Je me permets parfois de faire un personnage.

Dans un troisième temps, je leur ai demandé de relever tous les termes désignant le loup, puis tous ceux désignant l'agneau (compétence : identifier les référents des substituts lexicaux et pronominaux).

Dans la correction collective, ils ont souligné en rouge tout ce qui concernait le loup (rouge comme la cruauté) et en vert, l'agneau. Ce qui donne :

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure.
Un agneau se désaltérait
Dans le courant d’une onde pure.
Un loup survient, à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
«  Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
dit cet animal plein de rage :

Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l’agneau que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant
Plus de vingt pas au-dessous d’elle :
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ;
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
- Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ?
Reprit l’agneau ; je tette encor ma mère.
- Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
- Je n’en ai point. - C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l’emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès. 

Cet exercice est toujours d'une grande richesse car il permet aux élèves en difficulté de comprendre ce qu'ils lisent.

De nouveau, moment de récréation : lecture à trois voix (avec d'autres élèves) de la poésie.

Puis pour conclure, je leur ai lu un morceau de vers ou un vers entier et je leur demandais la suite (de mémoire). Ceci, sous forme de jeu, en accentuant l'intonation, ils s'amusent à essayer de trouver la formulation exacte... et ils y parviennent très bien (quelquefois après force mimiques de ma part...). La poésie peut aussi être prétexte à un jeu théâtral.

Par coeur, ils disent cette poésie à trois voix, ou seul et ils prennent un réel plaisir à la dire devant la classe. Ils "se font" une voix. Trois élèves l'ont dite à la bibliothèque municipale, une fille faisait le loup et un garçon l'agneau, chacun avait déguisé sa voix pour se fondre dans la peau du personnage. Ils ont été amplement félicité pour leur prestation...